Cette seconde masse critique Babelio pour laquelle j’ai été sélectionnée a été bien plus concluante ! (C.f. Pierre Coran – Mémoire blanche)
La quatrième de couverture : C’est un hymne aux hommes perdus des années 1950 et 1960, de ceux qui ressemblent à Lino Ventura ou à Gabin, des petits gangsters qui roulent des mécaniques et qui n’ont pas toujours le courage d’affronter la réalité. Ils aiment les femmes et les femmes le leur rendent bien car, au-delà de leur carapace, ils sont émouvants. Parfois cruels. C’est surtout l’histoire de Mietek, un individu en déshérence,amoureux d’une femme qui ne peut pas l’aimer. Mietek ne s’en sort pas, s’enlise dans des histoires dont le dénouement risque d’entraver sa liberté.
« Depuis pas mal de temps, je me disais que c’était fini les hommes, que c’était vraiment une espèce en voie de disparition – ce qu’on appelait les hommes, c’était les derniers singes, quoi. J’ai écrit une cinquantaine de pages – et ils sont venus les hommes de ma jeunesse et ma jeunesse avec. Mais dans toutes les histoires d’hommes, il y a une fille, et même il faut une fille – sans fille, pas d’homme. Et l’autre raison du livre m’est apparue, c’était elle – ma fille, Cora. C’était pas une histoire d’homme que je voulais écrire, pas exactement, c’était une histoire de père et de fille. » Richard Morgiève.
« Dans la glace, j’étais pâle – dans mon cœur, j’en avais marre »
Mon avis : En refermant ce roman, je me demande encore son thème. Une hymne aux hommes ? Oui je suis d’accord. Une ode à la vie ? On peut tellement répondre oui comme non. En tous cas, c’est la vie d’un homme, la vie de Mietek. Ce voyou yiddish comme il aime à s’appeler, au cœur plus immense que tout ce qu’il a pu voler et braquer en une vie.
Cette vie se déroule, avec tous ceux que Mietek rencontre, raconte et fait survivre dans sa mémoire. Beaucoup de personnes, et beaucoup de bars. Je ne vous mentirai pas : on s’y perd quelque peu. Mais les essentiels restent là, même si vous avez arrêté votre lecture des jours durant, vous les retrouver, vous savez qui ils sont. Vous en verrez de nombreux tomber. Mais jamais dans l’oubli. C’est autant tragique que beau. A côté de tous ces gens, on a Mietta, Mietek. Ce narrateur qui ne sait pas qui il est, qui ne se reconnaît pas dans ses origines, ni même dans une glace. Alors il préfère vous parler des autres plutôt que de lui et du dégoût qu’il s’inspire. Sa bonté est sans limite, ç’en devient à peine croyable. Même pour les femmes qui ont traversé sa vie, et qu’il ne réussit pas à aimer comme il le faudrait, il reste là, celui sur qui l’on peut compter.
Je n’ai aucune idée sur combien d’années se déroule le roman. On a quelques indices donnés en précisant l’arrivée de certains évènements qu’a connu la société française. Mais ce brouillard me plaît, on comprend que le temps passe, mais qu’il n’oublie pas d’emporter sur son passage des personnes et des bâtiments. Ce mouvement là a fini par me plaire, puisqu’une fois entraînée dedans, on ne s’attend à aucune fin particulière, et surtout pas à une chute. Ce livre suit le temps qui passe, rien ne peut arrêter ça, on vous laisse seulement imaginer vous même la suite, après plus de 365 pages.
Maintenant, après ces quelques lignes, je crois que je sais. Les hommes, c’est l’ode à la fraternité. Celle qui peut exister malgré la dureté du monde et le temps qui défile, impitoyable.
« J’ai pensé qu’un jour elle ne serait plus là, alors pour m’habituer, je l’ai quittée »
Ce que j’ai aimé relever : L’écriture de l’auteur. Déjà : juste l’auteur. Je sens qu’il me faut lire d’autres de ses nombreux ouvrages. Il m’intrigue, et il m’a tellement charmée que je sens qu’il ne me faut pas m’arrêter là.
Pour quelques scènes où Mietek est avec une fille, on tombe facilement dans le vulgaire. Un vulgaire qui prend tout son sens : le lecteur n’est autre que les yeux et l’esprit de Mietta. Et Mietta ne sait pas comment traiter les femmes, cet ex-taulard orphelin est ignorant et pour lui, le sexe, c’est ça : un truc qui n’a rien à voir avec l’amour. De même, j’ai remarqué que lorsqu’il s’agissait de décrire quelque chose de plaisant, le vocabulaire venait à manquer. Comme si Mietek n’y était pas habitué, n’ayant connu que la rudesse. C’est comme ça qu’on se résume à du « Joli/Beau/Super/Mieux que bien ».
En revanche, je n’ai pas d’explication pour les mots anglo-saxons qui ressortent drôlement : le bizness/des djines/un ticheurte !
Mietek porte trois anneaux sur trois doigts de sa main droite. J’ai adoré, parce que depuis gamine, et alors que je regardais assidûment Nicky Larson (Episode 14 Saison 1 pour les intéressés), je ne regarde plus les bagues du même œil, je vois des ersatz de poings américains sensiblement partout. Mais figurez-vous que j’ai trouvé meilleure alternative pour celle/ceux qui ne sont pas adeptes des anneaux : trousseau de clés en paume, faites sortir chacune des clés entre deux de vos doigts. Astucieux hein ?
Je ne savais pas où caser cette remarque, donc je vous pose ça là : les pages de mon bouquin sont pas mal transparentes, on voit très nettement les lignes du verso. Voilà, c’tout.
Quelques citations :
◊ C’est bizarre de mourir – et pourtant on est fait pour ça.
◊ Fais attention, Mietta, a-t-il repris. La taule, ça fait pas des hommes mais des regrets.
◊ J’aimais son accent, j’aimais Karine… Mais j’étais incapable d’aimer, donc je ne l’aimais pas.
◊ Il y avait quatre croque-morts avec moi, mais un seul homme, il était dans la boîte.
◊ Les mecs autours de moi parlaient politique et foot : les cons avaient besoin de parler à des cons de sujets cons.
◊ Avoir une queue, ce n’était pas que pour pisser debout.
◊ J’aime le genre humain mais moins les hommes.
◊ J’avais un différend avec l’andouillette – c’était que ça ressemblait à une bite et que ça avait un goût de merde.
◊ Elle était belle, toute nue comme la préhistoire, mais après il y aurait l’histoire, la postface, les œuvres complètes.
◊ Il m’a demandé si Breslauer, c’était juif. Je lui ai demandé si Brun, c’étaient les biscuits.
•Ma note : 16,5/20•
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