François Beaune – Omar et Greg

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Le saviez-vous ? 2020 est une année tout à fait particulière, si bien que le mois de juin comportait en vérité 34 jours, par conséquent, je ne suis pas en retard dans ma chronique pour le challenge du #VarionsLesEditions du mois de juin, avec Le Nouvel Attila.

 

 

La quatrième de couverture

Omar et Greg sont deux enfants d’ouvriers. Deux jeunes nés et grandis dans des ZUP. Le petit fils d’Algérien engagé dans l’armée française, chasseur de skins à l’adolescence, est travailleur social ; l’Italo-Tunisien, cheminot homo formé à la lecture de Jaurès et de Che Guevara, est devenu militant de carrière. Après mille expériences entre Reims et Vaulx- en-Velin, Bordeaux et Marseille, tous deux se retrouvent un jour à proposer au Front national un projet politique aberrant : faire entrer la communauté musulmane au FN.
L’itinéraire de ces deux citoyens engagés et enragés témoigne de la manière dont la France accueille et forme (ou pas) ses enfants de l’immigration : quartiers, racisme, religion, éducation, sexualité, engagement, rapport à l’autre… Omar et Greg cherchent leur place avec une interrogation obsédante sur ce que c’est qu’être français.

 

« Par un doux soir d’été, une jolie blonde fume avec ses copines sur les marches du cinéma l’Alhambra. »

 

Mon avis

Tout commence par une rencontre. Pas celle de l’auteur avec Greg ou Omar, mais avec Stéphanie, cette jolie blonde de l’incipit. Qui à son tour lui présentera Greg, pour qu’enfin se dernier lui parle de Omar. Très vite, l’auteur s’efface totalement pour ne retranscrire que les voix des deux hommes. C’était presque à regret, car François Beaune m’apparaît comme un homme empli d’humour. Mais il n’est pas là pour faire rire, il est là pour donner la parole aux autres, et c’est tout aussi réussi.

L’ouvrage se décline en plusieurs parties, regroupant chacune les réflexions entrecoupées d’Omar et de Greg. Le point de départ, c’est la ZUP, bien qu’à ce moment-là, Omar est à Reims tandis que Greg grandit sur Lyon. On découvre l’évolution des deux hommes, chacun traçant sa route en ignorant totalement l’existence de l’autre. Et le lecteur guette cette rencontre tant attendue, comme s’il avait affaire à une romance. Une romance ici, pourquoi pas, mais plutôt un triangle amoureux : Greg aime la France, et Omar finit par aimer la France également.

Leur rencontre s’est faite grâce au FN, duquel tous les deux ont fini par se détourner, déçus par la direction que le parti prend avec Marine. Le projet qui devait réunir musulmans et militants FN a été abandonné au grand dam d’Omar et Greg. Mais cet échec n’aura pas eu raison de la foi des deux hommes en une chose : le patriotisme (social pour Greg). Je crois que c’est pour cette raison que le personnage de Greg m’a davantage intriguée : cet homme n’a jamais renié ses priorité. Pour lui, peu importe la couleur du parti, peu importe même le parti, le but, c’est rebâtir une nation unie contre les inégalités, quelles qu’elles soient. Et il l’affirmera très clairement : « un parti politique n’est pas une fin mais un moyen ». Il se désolidarisera du FN quand ce dernier ne portera plu sles idées et les valeurs auxquelles il tient. Quoique, pour être honnête, c’est plutôt le FN qui se désolidarisera de lui, afin de conserver ses militants Identitaires qui s’offusquaient des projets et propos de Greg. Et au final, c’est tout son honneur à lui qui n’aura jamais retourner sa veste pour pouvoir faire carrière.

La deuxième moitié du bouquin met en lumière de nombreux aspects du FN. Nombreux aspects que j’ignorais, mais il faut bien avouer que niveau politique, je fais plutôt l’autruche et prend soin d’ignorer l’ensemble. Je me dis qu’à bientôt 25 ans, faudrait peut-être voir à changer de comportement, grandir un peu et véritablement s’intéresser à la vie politique de mon pays. Il faudrait. Mais ça ne m’apparait pas forcément être une tâche simple. Bien sûr, je sais me repérer un minimum sur l’échiquier politique (et encore que des fois, les frontières sont plus que floues) ne serait-ce que pour pouvoir voter de manière un minimum éclairée. Il n’empêche que je suis bien loin d’avoir toutes les cartes en main. Pour en revenir au livre et au FN : mon avis plutôt arrêté sur les nouvelles personnalités qui incarnent ce parti a pu être enrichi par ce que j’ai lu, sans pour autant changer. C’est toujours ça de pris.

 

Ce que j’ai aimé relever

Le cas de Omar, qui, lorsqu’il était jeune, se sentait davantage Algérien que Français, m’a beaucoup parlé. Non pas que je m’y sois reconnue personnellement (déjà parce que je n’ai pas d’origines algériennes), mais parce que c’est un phénomène que j’ai pu observer à mon échelle. Je suis de la génération suivante, et pourtant, je peux encore le remarquer. Omar est un enfant né sur le sol français, de parents venus d’Algérie. Ses parents sont très reconnaissant envers la France, ce qu’Omar ne comprend pas et qui le pousse même à le rapprocher de l’Algérie, où il n’a quasiment jamais mis les pieds. Mon parallèle vaut ce qu’il vaut mais voilà : ma famille paternelle a émigré en France depuis l’Italie du sud, plutôt pauvre et sans travail. La génération de mes grands-parents est donc née et a grandi en Italie. Je remarque aujourd’hui, que c’est moins ceux qui ont dû quitter leur premier pays que ceux qui sont nés par la suite en France, qui se réclament d’appartenance italienne. Je me demande comme s’explique cette forme d’idéalisation de cet autre pays qui n’est pas celui dans lequel on a pu naître, grandir, s’établir. Le père de Omar le lui rappelait : « Ton pays c’est celui qui te nourrit, pas celui auquel tu imagines appartenir ».

Aux environs des dernières pages, Omar et Greg présente leur rapport à la lecture, les livres qui les ont marqués, comment ils se sont construits intellectuellement avec. Rien d’étonnant à cela, mais ce n’est jamais une mauvaise idée que de rappeler que la lecture et la curiosité doivent être les moteurs à idées.

Greg a un blog perso où il continue de publier ses pensées et ses coups de gueule. Impossible à trouver alors même que l’adresse complète est fournie.

 

Quelques citations

François Beaune : Moi, ce ne sont pas les idées qui m’intéressent, mais les types qui les portent, et comment ils vivent avec. 

Omar : J’ai eu 13 ! Le miracle. Encore maintenant je me dis que je mérite d’être canonisé juste pour cette note.

Greg : Aujourd’hui, le militantisme c’est de la pisse de chat. Les mecs savent pas coller [des affiches].

Greg : Comme je te disais, le discours du Parti communiste sous Georges Marchais, dans les années 70, c’était Produisons français. Le discours du Front national, dans les années 90, c’est Produisons français avec des Français.

Omar : Certains affirment que la religion est à l’origine de tous les massacres de l’humanité, mais je suis pas d’accord. L’être humain est d’abord sanguinaire de nature, sans être forcément religieux. 

Omar : Maintenant Marine caracole sur les plateaux télé, en racontant qu’elle s’adresse au petit peuple, aux prolétaires, aux ouvriers, je défends les intérêts des plus faibles, mais en interne, au final, Greg le prolo, l’ouvrier, est pas mis en avant, au contraire il est mis au placard.

Greg : De toute façon, je suis pas fait pour les appareils. Ni pour l’ordre d’un parti. Je suis trop libre pour ça.

Greg : Sous Mégret, il y avait de vraie formations militantes. Chez Marine, il y en a pas, c’est voulu. Pour eux, il y a les cadres qui savent quoi faire, les militants ignorants, et c’est très bien comme ça. 

 


•Plaisir de lecture : 8/10•

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