Simone Veil – Une vie

 

 

Mon avis : Ca y est, le moment est venu pour coucher quelques mots sur ce que nous a laissé cette très grande dame. Une vie me paraît être un titre si modeste tout à coup… Je ne connaissais de Simone Veil, que la loi IVG essentiellement, je n’ai appris que plus tard sa déportation. Mais elle n’est réductible ni au premier, ni au second. Cette femme est bien plus que tout ça. Et j’ai tellement apprécié découvrir chacune de ses facettes, de ses batailles. Cependant, avant de me perdre et vous avec, je vais me contenter d’un avis chronologique, au gré de mes notes relevées tout au long de ma lecture.

En me procurant cette oeuvre à la médiathèque, j’avais une idée très précise de ce que je voulais : découvrir la femme de loi qu’elle avait été. Je comptais m’attaquer immédiatement aux parties qui m’intéressaient, laissant de côté le triste épisode de la Seconde Guerre mondiale. Je m’en dédouanais en mettant cette ellipse sur le compte du court délai d’emprunt de la médiathèque. Alors, en commençant par le 4ème chapitre, j’ai vite compris que je faisais fausse route. De même qu’on ne peut se contenter de la moitié d’une personne, il est impossible d’accepter de ne pas lire une autobiographie dans son entièreté.

Le souvenir de la Shoah est le fil conducteur de cette oeuvre. Son vécu, la perte de sa famille serre forcément le coeur. Rien n’avait de sens à cette époque. Au-delà de la seule barbarie des hommes, il y avait véritablement des faits plus anecdotiques si je puis dire, qui relevaient du non-sens complet : un régime alimentaire de faveur était offert aux femmes enceintes. Ces mêmes femmes qui, une fois passé l’accouchement, seront gazées et leur bambins assassinés. On aurait presque envie de demander : à quoi bon ?

 

« Nous étions libérées mais pas encore libres »

 

Le chapitre IV, Revivre. Retour sur ces premières lignes par lesquelles je souhaitais débuter. Je crois que quelque part, les mots avaient un écho différemment. Ce n’était que 3 jours après, mais une vie concentrationnaire était passée par là.

Et puis la révélation pour moi, le chapitre V, Magisrat. Et elle débute par l’administration pénitentiaire. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point la surprise m’a été agréable. J’ai aimé voir combien elle s’est démenée avec sa passion de jeune magistrate, qui, je pense, est un préalable nécessaire pour continuer à faire bouger les choses. Un peu triste de voir que ce combat-là ne perdure pas autant que les autres. Elle avait fait un documentaire sur les prisons françaises, et vous savez quoi ? Ca a eu l’effet inverse. L’opinion publique s’est offusquée de ce que les détenus avaient encore trop la belle vie. Ca m’amène à penser à quelque chose : lorsque vous êtes sélectionné pour la lourde tâche d’être juré à la Cour d’assise, on vous fait visiter un établissement pénitentiaire. Pour que vous ayez toutes les cartes en main pour savoir où l’individu en cause est susceptible de purger les prochains mois/années. Très étonnamment, contrairement à ce que laisseraient penser les discours tenus par de nombreux citoyens, ce sont les jurés qui sont les plus indulgents. Peut-être que la population civile est tout simplement victime d’une vision erronée sur ce qu’est la justice et ses conséquences ? Je vous laisse sur cette digression totalement imprévue haha !

Je plaisante, j’ai encore pas mal de choses à raconter ici. Je me dois par exemple de mentionner cette fameuse loi IVG de 1975. C’est voté, et ca doit rester en l’état. On peut être profondément convaincu que l’avortement est une abomination totale, on a surtout l’obligation de respecter celles qui font le dur choix d’y avoir recours. J’entends par là un recours sans dérive, c’est à dire au titre de ce qu’il doit être : un acte en réponse à une impasse réelle. Et non pas, ce qui malheureusement est encore trop souvent le cas, un moyen de contraception comme un autre. Mais alors, ce n’est pas le droit en lui-même qui est à revoir, mais l’éducation et le rapport à la sexualité,  ni plus ni moins. En bref, les françaises, et au-delà, vous remercient Mme Veil.

La lecture a commencé à s’essouffler pour ma part, arrivée au chapitre VII sur les fonctions au Parlement européen. Cette période-ci manquait cruellement de concret à mes yeux, comme si des choses étaient décidées, mais sans jamais un suivi des résultats. Et puis, l’omniprésence de la bataille politique et des partis ne m’intéressait que très peu.

 

« La politique me passionne, mais dès qu’elle devient politicienne, elle cesse de m’intéresser »

 

Ce fut long, désolée. Mais ça le méritait. L’écriture simple et efficace de Simone Veil n’a fait que me convaincre au fur et à mesure de ma lecture : il me fallait découvrir ce livre. Cette femme.

 

Ce que j’ai aimé relever : Cette autobiographie est bourrée d’anecdotes que mes profs ont pu me partager depuis le début de l’année. Ces coïncidences, moi, ça me réjouit toujours !

J’ai eu le plaisir de rencontrer un homme d’un certain âge dans le tram, qui a ouvert la discussion en me voyant lire ce grand bouquin. Première fois que je réalise un tel échange, ça n’a pas d’égal.

Elle ne féminise pas le nom « magistrat ». En tant que (je l’espère) future profession, je m’autorise l’affront d’y mettre le -e qui lui revient tout légitimement.

Je me suis toujours fait une fausse idée sur la politique. Comme si chacun de nos président sortait du lot au moment de son élection, comme si il n’était personne avant, et qu’il avait l’humilité de redevenir ce « personne ». La blague. Depuis le début de la Vème République à nos jours, ce sont toujours les mêmes noms qui reviennent. Ce fait déjà moins rêver, mais bon, la politique, ça ne s’invente pas après tout.

L’ouvrage est de 2007, mais il révèle déjà, à travers les craintes avérées de son auteure, ce que le monde est devenu aujourd’hui. Mais comme elle, refusons de céder au pessimisme !

Elle a été membre du Conseil constitutionnel. Tiens, ça aussi je l’ignorais. C’est dingue, elle a tout fait. Et le pire, c’est qu’elle a tout formidablement fait.

 

Quelques citations :

◊ La mauvaise conscience générale permet à chacun de se gratifier d’une bonne conscience individuelle : ce n’est pas moi qui suis responsable puisque tout le monde l’est. 
◊ Parler de la Shoah, et comment ; ou bien ne pas en parler, et pourquoi ? Éternelle question.
◊ Là où je voyais considération envers les accusés et les victimes, il ne trouvait que versatilité et inféodation à la cause de clients capables de payer. 
◊ Je compris alors que, dans la longue marche nécessaire pour placer le système carcéral français à un niveau convenable et respectable, les bonnes volontés se heurtaient à un obstacle plus difficile encore à vaincre que les contraintes budgétaires : l’état de l’opinion.
◊ En même temps, la direction a obtenu les crédits nécessaires pour ouvrir et gérer quelques bibliothèques, ainsi que quelques structures scolaires pour les mineurs, toujours au grand dam des esprits les plus étriqué, sans doute les pères de ceux qui devaient ensuite s’élever contre les prétendues « prisons trois étoiles ».
◊ Je me suis du reste demandé, à l’époque, si les hommes n’étaient pas, en fin de compte, plus hostiles à la contraception qu’à l’avortement.,La contraception consacre la liberté des femme et la maîtrise qu’elles ont de leur corps, dont elle dépossède ainsi les hommes. Elle remet donc en cause des mentalités ancestrales. L’avortement, en revanche, ne soustrait pas les femmes à l’autorité des hommes, mais les meurtrit. 

 


•Ma note : 9/10•

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