Truman Capote – De sang-froid

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Je me suis lancée dans ce roman, parce que le thème était propice à me plaire, mais aussi (et je pense, surtout) parce que je me suis motivée à découvrir petit à petit, des auteurs « incontournables ». Non parce qu’on va pas se mentir, des classiques, j’en ai lu que des passages obligatoires forcés pendant le secondaire, et puis c’est tout. Donc avant de plonger dans du Zola, qui m’effraie encore un peu aujourd’hui, j’ai commencé soft avec De sang-froid.

 

« Une mère est encore la seule qui puisse embrasser un bobo et faire disparaître la douleur – explique ça scientifiquement »

 

La quatrième de couverture (extrait du roman) : Il était midi au coeur du désert de Mojave. Assis sur une valise de paille, Perry jouait de l’harmonica. Dick était debout au bord d’une grande route noire, la Route 66, les yeux fixés sur le vide immaculé comme si l’intensité de son regard pouvait forcer des automobilistes à se montrer. Il en passait très peu, et nul d’entre eux ne s’arrêtait pour les auto-stoppeurs…
Ils attendaient un voyageur solitaire dans une voiture convenable et avec de l’argent dans son porte-billets : un étranger à voler, étrangler et abandonner dans le désert.

 

« Mais lorsque la foule aperçut les meurtriers avec leur escorte de policier de la route vêtus de manteaux bleus, un silence se fit comme si elle était étonnée de voir qu’ils avaient une forme humaine »

 

Mon avis : J’ai passé un certain petit bout de temps sur ma lecture. Je ne vais chercher aucune excuse loufoque ou sortie du chapeau cette fois-ci : j’ai été longue parce que c’était franchement long à démarrer cette affaire. Le début, on vous présente la famille Clutter, donnez-moi le père généreux, la mère fragile, le fils en devenir d’être un homme, et la fille qui a genre zéro défaut. Bon Dieu que c’était pénible ohlolo. Après, je me doute bien que c’était un passage obligé, mais moi, cette famille-là, elle me tapait sur le système. Trop de perfection. Je pense que c’est préjudiciable d’ailleurs, car je m’y suis vraiment pas attachée, et par conséquent, je n’ai pas été touchée par leur assassinat. Enfin si quand même un peu, je suis pas un monstre, et sachant que c’est une histoire vraie, bien sûr que ça m’a fait quelque chose. Mais ce cadre digne de La petite maison dans la prairie (la gamine s’appellait Nancy, à quelques lettres près, on l’avait notre Nelly), ça m’a pas emballée. Et le fait de savoir à l’avance qu’ils allaient tous y rester, ça a peut-être aussi influé sur mon manque d’attachement aux personnages.

Ces longueurs mises à part, j’ai été totalement prise par cette longue et sombre histoire. On suit à la fois le déroulement de l’enquête, dont on sait pertinemment sur quoi elle va aboutir, l’auteur n’avait pas pour but d’instaurer un quelconque mystère; et à la fois, le chemin des deux meurtriers : Dick Hickock et Perry Smith. Il faut savoir que j’ai tendance à voir bien trop souvent le bon en dépit du mauvais qui se terre au fond de chaque personne (principalement dans les livres, je n’ai jamais, du moins à ma connaissance, fréquenté de criminels). Pourtant, ici, à l’égard de Dick et Perry, je n’ai rien ressenti. Zéro compréhension les gars, c’est un jour à marquer sur une pierre blanche. Ou d’une pierre blanche ? Peu importe. Mais juste : une pierre qui s’efface s’il vous plaît, car j’ai changé d’avis en cours de lecture. Non pas que je leur ais trouvé des excuses, vraiment pas. Mais j’ai eu pitié de ces gars-là (au bon sens du terme, si tant est qu’il en existe un). Davantage pour Perry, je vous l’accorde. Mais n’importe quel lecteur ne pourra qu’être touché par la sensibilité et le manque de compréhension pour le monde entier dont il témoigne.

En lisant, j’étais persuadée que Truman Capote nous livrait des faits, sans une once de jugement. Ce qui est complètement stupide, personne n’écrit sans jugement. Faire le choix d’informations à rapporter, c’est déjà donner son avis. Manifester l’envie de parler d’une affaire comme celle-ci, c’est déjà donner son avis. Toutefois, faut bien reconnaître à l’auteur qu’il a fait un excellent boulot d’écriture. Ce modèle de mi-roman mi-documentaire, ah moi j’adore. De nombreux passages sont rapportés entre guillemets, comme autant de témoignages et de voix qui s’invitent pour nous raconter ce funèbre feuilleton.

Et puis, de toutes manières, arrivée à la dernière partie du roman, à savoir « Le Coin », je pense qu’on peut se faire une idée du fil conducteur de l’auteur. Je crois bien qu’il s’agissait de ma partie du roman préféré. On entre alors dans le système judiciaire du Kansas qui pratique (encore aujourd’hui) la peine capitale. Grosse abolitionniste dans l’âme, je vous raconte même pas le nombre de fois où j’ai dû lever les yeux en l’air durant ma lecture, pour sûr que j’ai jamais eu les muscles frontaux aussi développés.

Pour un petit avis conclusif, j’ai été très satisfaite de ma lecture. Et c’est avec grand plaisir que je relirai Truman Capote au mois de mars, pour un petit Challenge de classiques instauré sur Instagram !

« Il a ri et il a dit qu’il ne croyait ni au ciel ni à l’enfer, rien qu’à la poussière »

 

Ce que j’ai aimé relevé : Je pense que la traduction d’époque aurait pu être retravaillée un chouia. Non parce que, les « sacré meurtre », « sacré assassin » « sacré trucmuche », ça fait un peu ridicule. Un bon PUTAIN n’a jamais tué personne. Et si vraiment il fallait rester dans l’édulcoré, on pouvait toujours partir sur du « foutu ». J’aborderai pas le « enfant de garce » mais c’est tout comme. Oh et puis, les « hum hum » qu’on retrouve souvent dans les dialogues, je vois pas trop comment je suis sensée les lire (mais ça a eu le mérite de me faire marrer en tous cas).

La minute d’instruction (je devrai peut-être songer à en faire une rubrique à part entière, non ?) : on dit être fier comme … Artaban ! Et pas comme un Bar Tabac (j’ai été bercée par Rire&Chansons et Coluche, j’ai donc de fortes circonstances atténuantes).

En début des années 60, au Kansas, les femmes n’avaient pas le droit de faire partie d’un jury de procès. Jury qui a pour but de représenter l’opinion du peuple et donc de le refléter. Tout comme le statut de citoyen électeur me diriez-vous, auquel nos françaises ont eu accès que 15 petites années plus tôt…

 

Quelques citations :

◊ [Mon âge] à moi de le savoir, à vous de le deviner.
◊ Si seulement je n’avais pas grandi ça aurait été parfait ; plus je vieillissais, moins j’étais en mesure d’apprécier papa. D’un côté, il savait tout, mais de l’autre il ne connaissait rien.
◊ Où ils ont une prison vraiment gentille. Si vous aimez les prisons.
◊ Rien de plus habituel que de sentir que les autres ont une part de responsabilité dans nos échecs, tout comme c’est une réaction ordinaire d’oublier ceux qui ont pris part à nos réussites.
◊ _Vous avez pas idée, vraiment pas, où votre fils aurait bien pu aller ? _ Ouvrez une carte, dit Mr. Hickock. Mettez le doigt quelque part, peut-être que c’est là.
◊ Et comme cela lui arrivait fréquemment dans ces moments d’affliction, il s’attarda à une possibilité qui exerçait sur lui une « immense fascination » : le suicide.
◊ _ Y a plus d’un type qui peut raconter des histoires aussi larmoyantes que ce petit enfant de garce. Moi aussi. Peut-être que je bois trop, mais nom de Dieu j’ai jamais tué quatre personnes de sang-froid. _ Ouais, et pendre l’enfant de garce ? Ca manque pas de sang-froid ça non plus.

 

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